Débutée en 2007, la mission franco-israélienne de Beisamoun, dirigée par F. Bocquentin (CNRS) et H. Khalaily (IAA), explore l’un des plus importants villages néolithiques du Levant Sud occupé aux VIIIe et VIIe millénaires avant notre ère, dans la haute vallée du Jourdain (Israël), à proximité de la frange marécageuse du lac Houleh aujourd’hui asséchée. À la fin du VIIIe millénaire, toutes les étapes de la néolithisation sont acquises au Levant Nord (sédentarité, mise en place d’une économie agro-pastorale, invention de la céramique). Le Levant Sud, jusque-là solidaire du Levant Nord, aurait connu une évolution différente : l’effondrement du Néolithique précéramique B (PPNB) aurait provoqué une crise majeure impliquant l’abandon de la plupart des villages établis à la période précédente. L’occupation du territoire durant cette période de transition (nommée PPNC ou PPNB final) est cependant très peu documentée. Si, côté jordanien, quelques sites majeurs sont connus pour cette période, à l’ouest du Jourdain, les vestiges sont rares.
Or, les fouilles de Beisamoun montrent que le village n’est pas abandonné à la fin du PPNB. Son occupation se poursuit jusqu’au milieu du VIIe millénaire, à la veille de l’apparition des premières céramiques dans la région. Il n’y a pas ici de rupture mais une continuité remarquable de l’occupation, une réfection ininterrompue des structures antérieures, une évolution progressive de l’assemblage lithique, une apparition discrète des premières productions céramiques avant l’abandon définitif du site. Le PPNC apparaît ainsi non pas comme une période de transition, mais bien comme une phase culturelle à part entière où sont mêlées traditions et innovations.
La fouille, d’une emprise de 340 m² sur deux secteurs, documente les derniers niveaux d’occupation du village. Segments de murs, murets, sols d’occupation, fosses, sépultures, foyers, calages de poteaux, bassins, cuvettes, concentrations d’objets, aires extérieures, niveaux d’effondrements, amoncellements de pierres, etc, ont été fouillés. Ces vestiges architecturaux sont les plus complets du PPNC, côté ouest du Jourdain. Les fouilles ont permis de collecter un assemblage lithique de plus de 110 000 pièces dont 85 % ont été étudiés par Ferran Borrell. Il s’agit aujourd’hui de l’unique assemblage PPNC suffisamment conséquent pour permettre une véritable analyse des chaînes opératoires en présence et évaluer ses affinités avec les assemblages antérieurs et postérieurs.
Enfin, la saison 2016 par ses deux découvertes exceptionnelles (un dépôt de sanglier et deux crânes surmodelés) faites dans les couches les plus anciennes, viennent considérablement enrichir le domaine symbolique jusqu’à présent assez discrètement matérialisé à Beisamoun, si ce n’est à travers les nombreuses sépultures fouillées. Bien que médiocrement conservés, les deux crânes surmodelés apportent des éléments de discussion qui pourraient remettre en cause plusieurs acquis au sujet de ce phénomène emblématique du néolithique proche-oriental.

Beisamoun : mise au jour d’un fragment d’oreille surmodelée

Le matériel issu des fouilles de Beisamoun est entreposé pour restauration et étude au CRFJ. Au dernier trimestre 2016, Marie Anton (doctorante à l’Université Paris-1) a poursuivi l’étude anthropologique des crânes et ossements issus des fouilles. Les principaux résultats de la mission Beisamoun ont été présentés lors du séminaire “Research at Beisamoun, 7th Millenium. New results and perspectives”, organisé le 21 mars 2016 au CRFJ, avec des présentations de Fanny Bocquentin (CNRS), Hamudi Khalaily (IAA), Liora Kolska Horwitz (HUJI) et Elisabetta Boaretto (Weizmann Institute).