Heymann F. & Laignel-Lavastine A. (Eds.)


La Shoah en Roumanie a pu être caractérisée comme une Shoah « oubliée » et son historiographie comme un « trou noir ». Pour les discours officiels roumains, il n’y aurait pas eu de Shoah dans un pays qui aurait protégé ses Juifs, et la responsabilité aurait pleinement incombé aux Allemands.
La réalité est toute autre. Oui, il y a eu une Shoah en Roumanie et elle fut, majoritairement, une Shoah roumaine. Une violente législation antisémite, promulguée dès 1937, s’est durcie en 1940. Même si les initiatives liées à la déportation et à l’extermination des Juifs ont pu porter les marques distinctives de l’entreprise nazie, leur mise en œuvre et leur exécution ont relevé pleinement du fascisme roumain, qui d’ailleurs les a revendiquées sans équivoque. Les Roumains n’ont-ils pas eu leurs Einzatzgruppen, ces unités de gendarmerie qui ont fonctionné pendant toute la guerre comme des unités de tueries mobiles, leurs Aktionen, menées de manière si brutales que même les Allemands, choqués, déclarèrent que le problème juif avait ici été placé en de « mauvaises mains ».
La Shoah en Roumanie fut le théâtre de massacres de Juifs parmi les plus massifs de la Seconde Guerre mondiale. Pourtant ils demeurent largement méconnus, depuis le pogrome de Bucarest (janvier 1941), celui de Iasi (juin 1941), jusqu’aux massacres d’Odessa (octobre 1941), de Bessarabie et de Bucovine (1941-1942). Pour finir par les déportations en Transnistrie (près d’un demi-million de victimes), dans un territoire que le régime du maréchal Antonescu considérait comme son « dépotoir ethnique ». La mémoire de ces massacres à la mise en œuvre atypique (marches de la mort, extermination par la faim et par le feu) est au cœur de ce volume qui en analyse aussi l’impact dans la Roumanie d’aujourd’hui.