Vincent Lemire


ESSAI D’HYDROHISTOIRE (1840-1948)
Paris, Publications de la Sorbonne, avec le soutien du CRFJ.
L’histoire urbaine de Jérusalem aux XIXe et XXe siècles, ensevelie sous les mémoires concurrentes, a fini par s’effacer derrière les conflits symboliques et nationalistes. Pour rompre avec une vision étroitement communautariste et géostratégique de la Ville sainte, pour en faire rejaillir la dimension profane et quotidienne sans perdre de vue l’agencement de ses territoires, de ses monuments, de son relief et de ses citadins, Vincent Lemire a choisi de faire l’histoire de la ville au prisme de la question de l’eau. Perchée à plus de 700 mètres d’altitude, Jérusalem manque cruellement d’eau potable, surtout entre les années 1840, moment du décollage démographique, et l’inauguration en 1936 de la monumentale canalisation de Ras el-Aïn. La « soif de Jérusalem » devient dès lors un enjeu majeur de l’action publique, qu’elle soit portée par les autorités civiles et religieuses de la ville ou par les puissances internationales qui s’en disputent le contrôle.

L’histoire de cette longue quête hydraulique, dominée tour à tour par les archéologues et les philanthropes occidentaux, puis par les autorités impériales ottomanes et les édiles municipaux et enfin par les porte-drapeaux du projet sioniste et du nationalisme palestinien, s’appuie sur l’analyse de sources très diverses et largement inédites : archives de la municipalité ottomane et mandataire de Jérusalem, archives de l’administration des waqf, archives impériales d’Istanbul, archives consulaires et diplomatiques de Londres, Nantes et Paris, archives du mouvement sioniste à Jérusalem, collections privées. Cette étude pionnière montre que la question hydraulique est un passionnant observatoire pour l’histoire urbaine et dessine les contours d’une nouvelle méthode historique, l’hydrohistoire, particulièrement efficace pour comprendre des lieux saturés de sens comme la ville de Jérusalem.

Vincent Lemire, ancien élève de l’École normale supérieure de Fontenay-Saint-Cloud, est maître de conférences en histoire contemporaine à l’université Paris-Est Marne-la-Vallée et membre du laboratoire « Analyse comparée des pouvoirs » (EA 3350). Ses recherches actuelles portent sur Jérusalem et le Proche-Orient contemporain, l’histoire environnementale et la patrimonialisation urbaine.