Lui écrire

Joel SEBBAN
 History of relations between politics and religion in Modern TimesHistory of dialogue between Jews, Christians, and Muslims in France, the United States and Israel 

Keywords : Secularism, Interfaith dialogue, « Judeo-Christian » concept, France, Israel, the United States, Judaism, Christianity, Islam, Politics, Religion
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·       Ouvrage

LA NAISSANCE DE LA SYNAGOGUE FRANCAISE. « CIVILISATION JUDEO-CHRETIENNE, RELIGION ET LAICITE EN FRANCE DE NAPOLEON A VICHY, Éditions Belin-Passés Composés, sous-contrat, à paraître, septembre 2023 

Version remaniée de ma thèse, ce livre ouvre une réflexion qui est poursuivie dans un second ouvrage en préparation. Ces études tâchent de répondre à une question immense, vertigineuse même : qu’est-ce que cette civilisation que l’on appelle à la fois « la civilisation occidentale » et « la civilisation judéo-chrétienne » ? Mon hypothèse de réponse est la suivante : l’émergence du concept de « civilisation judéo-chrétienne » est issue d’un processus complexe de redéfinition des religions juive et chrétienne par l’État-nation, tout particulièrement au sein des nations française et américaine qui ont séparé les Églises de l’État et émancipé, pour la première fois, les juifs. En refusant de reconnaître une doctrine officielle sous la forme d’un régime de religion d’État ou de religion établie, les révolutions française et américaine permettent de concevoir une égalité religieuse entre la Synagogue et les Églises chrétiennes et initient une convergence des communautés juive et chrétienne autour d’une morale civique commune. Le concept de « civilisation judéo-chrétienne » va naître d’une réinterprétation du lien historique entre les religions juive et chrétienne, menée en premier lieu par des penseurs juifs. Ces derniers vont retrouver dans la loi mosaïque d’abord, puis dans les Évangiles, l’inspiration des idéaux révolutionnaires. 

L’actuel livre, consacré à la France, est la première partie d’un diptyque, la seconde portant sur une comparaison entre les cas français et américain depuis leurs révolutions respectives. Il est divisé en trois moments. Après une introduction qui se centre sur la Révolution française, la première partie, intitulée « Genèse d’un concept », s’intéresse à la première moitié du XIX. siècle, de la mise en place du régime dit des « cultes reconnus » sous le Consulat et l’Empire, jusqu’à la Seconde République. Le processus politique d’égalité entre les religions juive et chrétienne, initié par Napoléon à partir de la constitution du dénommé « Grand Sanhédrin », contribue à faire émerger une pensée radicalement moderne des relations entre les deux communautés. En m’appuyant sur des sources inédites en hébreu de rabbins invités ou consultés pour la préparation de l’assemblée, je montre comment les membres du « Grand Sanhédrin » ont profondément réinterprété la notion traditionnelle de fraternité dans les cadres de l’État-nation. Ils reprennent la dialectique des relations entre l’universel et le particulier telle qu’elle se dégage de la Déclaration des droits de 1789 : celle-ci lie, en effet, l’humanité de l’homme à son statut de citoyen. Cette réflexion prendra pleinement forme dans les années 1820 et 1830 à travers la première génération des études juives françaises. 

La seconde partie commence avec l’Affaire Mortara en 1858, du nom d’un garçonnet juif enlevé par les autorités pontificales et converti de force au christianisme, et s’achève avec l’affaire Dreyfus à la fin du XIX. siècle. Les premières associations interreligieuses apparaissent alors à la faveur d’un divorce grandissant entre le Second Empire et l’Église catholique. Ses instigateurs se veulent les fondateurs d’une morale civique nouvelle, libérale et pluraliste, mais qui demeure ancrée dans une inspiration révélée. Il s’agit néanmoins d’un pluralisme limité au judaïsme et aux Églises chrétiennes, qui célèbre l’évangélisation des peuples colonisés et établit une supériorité entre religions dites « bibliques » et autres religions, y compris l’islam se réclamant pourtant d’une révélation commune. C’est à la fin du XIX. siècle, dans le contexte d’un antisémitisme grandissant et à quelques années de l’Affaire Dreyfus, qu’est forgé le concept de « civilisation judéo-chrétienne ». Son auteur est un écrivain catholique libéral, Anatole Leroy-Beaulieu. La « civilisation judéo-chrétienne » apparaît à Leroy-Beaulieu comme l’incarnation de la « civilisation française », la fraternité des religions juive et chrétienne transposant, à l’échelle des cultes, l’idée de fraternité entre les citoyens. Si l’expression de « civilisation judéo-chrétienne » naît sous une plume chrétienne, la conception des relations entre les deux religions qu’elle traduit est héritée tout entière de la pensée juive française de la première moitié du XIX. siècle. Leroy-Beaulieu n’oppose plus, en effet, la rigueur de la « loi ancienne » à l’esprit d’amour des Évangiles. Il voit dans le particularisme de la loi juive la prémisse de l’État-nation révolutionnaire. 

La troisième et dernière partie s’ouvre avec la promulgation de la loi de séparation des Églises et de l’État en 1905 et s’achève avec l’arrivée au pouvoir du régime de Vichy en 1940, après la chute de la troisième République et la défaite française face à l’Allemagne nazie. J’y montre comment le concept de « civilisation judéo-chrétienne » va progressivement s’étendre aux vastes – et vagues – contours d’une « civilisation européenne » et « occidentale ». C’est particulièrement le cas au lendemain de la Première Guerre mondiale qui constitue à bien des égards, pour les juifs français comme pour les autres minorités juives, l’acte final de leur intégration. De nombreux penseurs juifs reprennent alors le concept de « civilisation judéo-chrétienne ». Celui-ci ne fournit pas seulement une rhétorique unificatrice dans le combat contre le fascisme et le nazisme. Il se rattache directement aux valeurs de la Révolution française. Ce sera encore au nom des valeurs républicaines et « judéo-chrétiennes » que des personnalités juives et chrétiennes, à l’image du juriste René Cassin et de philosophe Jacques Maritain, s’engagent dans la Résistance.

·                   Ouvrage en préparation

LA CIVILISATION JUDEO-CHRETIENNE OU LE MYTHE FONDATEUR DU MONDE DEMOCRATIQUE 

Pourquoi voit-on dans des mondes que nous appelons « gréco-romains » et « judéo-chrétiens » les sources de sociétés dites occidentales, les racines d’une civilisation : la civilisation occidentale ? On dira ainsi, à la manière d’une évidence, que la démocratie est d’origine grecque. On dira encore que c’est aux humanistes de la Renaissance que nous devons la conception moderne de l’être humain, lesdits humanistes l’ayant puisé dans leur lecture des Grecs et des Romains anciens ou dans celle de la Bible. 

On appelle couramment la période dans laquelle ces penseurs ont vécu la « Renaissance », en imaginant donc que celle-ci est dans la continuité directe de l’antiquité grecque et romaine, que celle-ci est une « nouvelle antiquité ». On parle encore de redécouverte des textes des Anciens, comme si lesdits « Anciens » avaient été plongés dans l’obscurité, plus d’un millénaire durant, et qu’on les en avait retirés presque intact pour leur donner une nouvelle jeunesse. On dira encore que la conception moderne des droits de l’homme se trouve en « germe » dans le message évangélique ou dans la Bible tout entière, que la foi au Dieu unique serait à la « source » de la croyance en l’unité du genre humain. 

Là aussi, on imagine qu’il y aurait une origine lointaine à notre compréhension actuelle du monde qui se serait frayé un chemin, fût-il sinueux, à travers les siècles. On s’imagine de lointains ancêtres et, parmi les très nombreux peuples de l’antiquité, ce sont deux héritages en particulier que l’on met en lumière, deux grandes sources qui auraient comme afflué l’une vers l’autre pour faire naître la civilisation dite occidentale : « l’héritage gréco-romain » et « l’héritage judéo-chrétien ». 

Maints spécialistes de la Grèce antique ont montré que les Athéniens de l’antiquité n’entendaient pas du tout la même chose que les êtres humains d’aujourd’hui par le mot de démocratie. Maints auteurs soulignent qu’il n’y a pas une, mais des « bibles » : une bible hébraïque qui est indissociable de ce que la tradition juive appelle la loi orale, le Talmud, une bible chrétienne, qui n’est pas la même, par exemple, pour catholiques et protestants. Nombre d’historiens tâchent encore de montrer, pour chacune des périodes et des espaces qu’ils étudient l’extraordinaire diversité de ce que nous appelons dans la langue courante le « judaïsme », le « christianisme », la « religion », la « démocratie ». Ils seront alors sans cesse attentifs à ne pas commettre ce qui est le péché premier de l’historien : l’anachronisme, soit la projection de catégories présentes dans l’étude du passé.

Et, pourtant, l’idée que la démocratie trouve sa source dans la Grèce antique demeure une idée très répandue, jusque dans les manuels scolaires : un lieu commun. De même, on parle communément de Bible, au singulier, ou de récit, de texte biblique, y compris cette fois de manière très courante parmi les historiens. On parle encore de Rome, de la Grèce et il ne sera généralement pas besoin de rajouter l’adjectif « antique » pour comprendre à quelle période nous nous référons. L’idée que le message évangélique ou que le Décalogue a une portée universelle est une idée commune sans que l’on ne se demande si c’est bien du même « universel » dont nous parlons alors que celui de la Déclaration universelle des droits de l’homme, que celui de l’expression « suffrage universel » ou « civilisation universelle ».

Comment alors expliquer que les Grecs et les Romains, d’une part, les juifs et les chrétiens de l’autre, apparaissent comme les grands « ancêtres » des sociétés occidentales ? Pourquoi ces sociétés ne se sont pas choisies d’autres ancêtres ? Y aurait-il pour chaque époque des sens si divers des mots que toute comparaison, à l’échelle de la longue durée, est impossible ? Ou serait-il possible de saisir la différence entre le sens que les Grecs donnaient à la démocratie et le sens que nous lui donnons, ou du moins de s’en rapprocher ? 

Serait-il possible de comprendre ce qui distingue le commandement biblique d’amour du prochain de l’égalité des droits entre les hommes des démocraties modernes ? Pourrait-on expliquer comment nous sommes passés d’un sens de la démocratie à un autre, d’un sens de la religion à un autre, d’un sens de l’humanité à un autre, d’un sens de l’universel à un autre ? Si une telle chose est possible, ne serions-nous pas à même de comprendre pourquoi les sociétés dites occidentales continuent de se rattacher à une civilisation dite gréco-romaine et à une autre dite judéo-chrétienne, fussent-ils de simples représentations de l’esprit ? C’est à de telles questions que ce livre va tâcher de répondre.

·       Articles dans des revues à comités de lecture

« Conversions et convertis dans la France de la Restauration »Histoire. Economie et société, novembre 2022.

« Exégèse biblique, institutionnalisation du pluralisme religieux et construction de la laïcité »Revue d’histoire du protestantisme, octobre-novembre- décembre 2019, p.535-551.

https://www.jstor.org/stable/44851002?seq=1

Cet article, qui reprend des conclusions de ma thèse, se construit autour de deux axes. Je montre, dans un premier temps, comment l’exégèse juive et chrétienne de la Bible au XIX. siècle se construit en relation constante avec l’intégration politique et sociale des deux communautés. Dans un second temps, je mets au jour les liens qui unissent la construction de la laïcité française telle qu’elle apparaît à partir de la seconde moitié du XIX. siècle et l’institutionnalisation du pluralisme juif et chrétien qui l’a précédé depuis l’Empire. De la même manière qu’on a pu parler de « syncrétisme laïco-chrétien » ou de « christianitude » pour désigner l’enracinement de la laïcité dans un univers mental chrétien, en particulier à travers la reprise partielle du calendrier chrétien, j’en viens à considérer qu’on peut parler d’une dimension « judéo-chrétienne », de la laïcité. Celle-ci est certes d’origine plus récente, mais ses effets se font sentir jusque dans la seconde moitié du XX. siècle, à travers le traitement différencié des populations juives et musulmanes originaires d’Afrique du Nord en France métropolitaine.

« Genèse de la ‘morale judéo-chrétienne’ : étude sur l’origine d’une expression dans le monde intellectuel »Revue de l’histoire des religions, 2014/1, pp.85-133.

Article sélectionné par le Centre National du Livre pour bénéficier d’une traduction et d’une publication en anglais

Version française : https://journals.openedition.org/rhr/7835

Version anglaise : http://www.cairn-int.info/article-E_RHR_2291_0085–the-genesis-of-judeo-christian- morality.htm  

Cette étude se penche en profondeur sur cette déclinaison particulière du concept « judéo-chrétien » qu’est la « morale judéo-chrétienne », notamment à partir des œuvres de Nietzsche. Le philosophe allemand fait de la morale judéo-chrétienne (jüdische-christliche Moral) la source mortifère du sentiment de culpabilité. Je montre que derrière cette critique d’ordre psychologique, se cachent une critique politique de l’idée démocratique même et une opposition au républicanisme français. À partir des années 1880, le concept de « morale judéo-chrétienne » se trouve, en effet, au cœur des débats entre politique et religion dans le monde intellectuel : la morale judéo-chrétienne devient, pour les uns, l’archétype d’une morale pervertie, et pour les autres, le socle des valeurs de la tradition libérale. C’est, en réalité, à l’émancipation des juifs et, à travers elle, à l’héritage de la Révolution française que la morale judéo-chrétienne se trouve systématiquement associée.

« Joseph Salvador, penseur libéral et apologiste du judaïsme »Revue des études juives, juin-décembre 2013, v.172/4, p.325-349

Longtemps oubliée, l’œuvre de l’historien français Joseph Salvador a fait l’objet ces dernières décennies d’interprétations contradictoires : « proto-sioniste » pour les uns, chantre de l’« assimilation » pour les autres. Je cherche à montrer ici que Salvador est d’abord un apologiste de la Synagogue française, telle que Napoléon et les membres du « Grand Sanhédrin » l’ont édifiée : il n’est autre que le tout premier théoricien du républicanisme juif. La pensée de cet auteur, resté à la marge de la communauté juive, a durablement influencé des figures importantes du judaïsme français émancipé, depuis les saint-simoniens juifs des années 1820 et 1830 jusqu’au grand orientaliste James Darmesteter à la toute fin du siècle. 

« Être juif et catholique. La « question juive » et les intellectuels catholiques français issus du judaïsme, 1898-1940 », Archives Juives, Revue d’histoire des Juifs de France, n°44, mars 2012, pp.106- 122 (https://www.cairn.info/revue-archives-juives1-2011-1-page-106.htm?contenu=resume ).

Cet article s’appuie sur l’étude de récits de conversion d’une vingtaine de personnalités juives français, de l’écrivain Albert Lopez en 1898 au cœur de l’Affaire Dreyfus, au futur cardinal Lustiger qui reçoit le baptême en 1940, alors adolescent, réfugié à Orléans. Citons, parmi les autres personnalités étudiées, Raïssa Maritain, l’épouse du philosophe Jacques Maritain, ou encore l’orientaliste, d’origine égyptienne, Jean de Menasce, qui entre dans l’ordre dominicain. Ces hommes et femmes affirment ne pas abandonner définitivement la religion de leurs pères. Au contraire, la foi juive, autrefois méprisée, devient au sein de l’Église un titre de noblesse. Les convertis se revendiquent fièrement « juifs chrétiens » à l’image du cardinal Jean-Marie Lustiger qui garde son nom de circoncision Aron. Cette double appartenance interroge la nature de l’« être-juif » en France au tournant du XX. siècle : elle révèle l’ampleur des séductions catholiques auprès d’une communauté qui s’est construite sur le modèle de la religion majoritaire, mais également la persistance d’une identité juive, confessionnelle et « ethnique », qui imprime sa marque sur la vocation chrétienne.

« Joseph Salvador, le premier historien juif moderne du christianisme »Revue d’histoire de l’Église de France, t.98, n°239, juin-décembre 2012, pp.355-371.

Cet article se penche sur un dernier aspect de l’œuvre de Salvador. Il cherche à évaluer sa place dans l’histoire de l’exégèse critique de la Bible et dans le mouvement dit de « redécouverte » de la judéité de Jésus au sein du monde juif, inauguré par le talmudiste Jacob Emden et le philosophe Moses Mendelssohn dans l’Allemagne de la seconde moitié du XVIII. siècle. Salvador y apparaît comme une figure tout à fait singulière qui s’ancre dans une tradition de pensée résolument républicaine et influence profondément les études juives françaises, tout particulièrement la première traduction de la Bible en français menée par Samuel Cahen. 

 « Une controverse judéo-chrétienne dans la France du XIX. siècle : l’œuvre scandaleuse de Joseph Salvador »Revue d’histoire du XIX. siècle, n°43, 2011/2, pp.117-133 (https://journals.openedition.org/rh19/4163 ).

Cet article s’intéresse à un épisode méconnu qui semble raviver, en plein XIX. siècle, la vieille controverse médiévale entre juifs et chrétiens. Salvador engage dans les dernières années de la Restauration une relecture singulière des origines du christianisme. Sous un régime qui a rétabli le catholicisme dans sa dignité de religion d’État, l’historien juif a l’audace d’affirmer que la condamnation à mort de Jésus par le tribunal hébreu du Sanhédrin, telle que les Évangiles la relate, est parfaitement légale au regard du droit mosaïque. Profondément heurtée, l’opinion catholique relève le défi de ce nouvel « ennemi de la Religion ». Cette controverse se place d’abord sur un terrain politique puisque Salvador utilise l’histoire sainte pour légitimer la cause du parti libéral face aux défenseurs d’un modèle théocratique ; mais, rapidement, le débat s’engage sur le champ religieux et pose les fondements modernes du différend judéo-chrétien. 

·       OUVRAGES COLLECTIFS (CONTRIBUTION)

Histoire des juifs de France, de l’Antiquité à nos jours (sous la direction de Sylvie-Anne Goldberg), Paris, Albin Michel, avril 2023, à paraître.

–         Chapitre : Être français de confession israélite au XIXe siècle

« Israélite » avait été le nom que les juifs français, ou du moins leurs dirigeants, s’étaient choisi au tournant du XVIIIe siècle et du XIXe siècle. Il y a ainsi eu les « Français israélites », bien avant qu’il y ait eu les « israéliens » d’aujourd’hui. Les premiers étaient des citoyens français, quand les seconds étaient des citoyens de l’État d’Israël. Tout les oppose en apparence, d’autant plus que bien rares ont été les juifs à quitter la France pour ce bout de terre qui s’appellera d’abord « Palestine », puis « Israël » – du moins avant une période très récente. Mais, un lien très intime unit les Français israélites et les juifs qui ont fondé l’État d’Israël. Tous deux voulaient en finir avec l’exil, la Galouth en hébreu – la Galouth, ce n’était pas seulement un peuple dispersé aux quatre vents comme pour « ensemencer » le monde. Ce n’était pas seulement une diaspora ; c’était un exil au sens le profond, un exil physique, un exil intérieur aussi, un arrachement à une origine. Ce mot d’« Israël » charriait ainsi avec lui tout un imaginaire : celui de la résurrection d’un peuple qui n’avait cessé de se déplacer de lieu en lieu, qui avait trouvé des asiles, mais toujours pour des temps et à des conditions déterminées, d’un peuple enfin qui n’avait jamais éteint l’espoir de trouver – ou de retrouver, à ses yeux – sa terre promise. Pour les Français israélites, cette terre a été la France, la France issue de la Révolution française et peut-être plus encore, nous allons le voir, de l’Empire napoléonien. Car la France avait été la première nation, en Europe, à donner la citoyenneté aux juifs.

–         Encadré : Joseph Salvador

« L’émergence de la « civilisation judéo-chrétienne ». Perspectives nouvelles sur l’écriture du judaïsme émancipé », dans Comment s’écrit l’histoire juive ? (sous la direction de Sylvie-Anne Goldberg), Paris, Albin Michel, 2021, pp.48-61. 

Cette étude vient conforter, dans un premier temps, une historiographie juive qui se montre de plus en plus attentive aux interactions entre les différentes cultures religieuses du Moyen Âge à nos jours et qui situe le dialogue interreligieux, non à la marge de l’histoire des communautés, mais comme révélateurs de mouvements bien plus amples en son sein. Je montre, dans un second temps, en quoi l’étude des relations judéo-chrétiennes dans la France contemporaine, et singulièrement celle du concept « judéo-chrétien », éclaire sous un jour nouveau la comparaison classique entre processus d’émancipation en France et en Allemagne. J’interroge, en particulier, la thèse de l’historienne Leora Batnitzky selon laquelle les penseurs juifs modernes ont intériorisé, à partir de l’œuvre de Mendelssohn, une définition piétiste protestante de la religion qui se centre sur la dimension personnelle de la foi. Cette approche semble convenir pour cette « symbiose judéo-allemande » que les penseurs juifs allemands ont désespérément recherchée autour de la redéfinition du judaïsme en tant qu’éthique personnelle. Mais, c’est en France, à partir d’une acception collective de la religion, dont l’unité est à l’image de celle de la nation, que la communauté juive se construit. La « genèse » de la « civilisation judéo-chrétienne » place ainsi l’analyse fine des relations entre communautés religieuses et l’État-nation au cœur de la recherche historique sur le judaïsme émancipé. 

« Judeo-Christianity » and « Islam ». The Origins of the notion of « Clash of Civilizations », dans Judeo-Christianity and Islam: Contested narratives (éd. Matthias Smalbrugge), Turnhout, Brepols, novembre 2020, à paraître.

« Convertis et conversion dans l’histoire contemporaine des relations entre la Synagogue et les Églises chrétiennes », dans Entre judaïsme et christianisme : Les conversions en Europe (sous la direction de Paola Ferruta, Martin Dumont, Daniel Tollet), Paris-Louvain-Bristol, Peeters, 2019, pp.97-118.

 « De la distinction entre antijudaïsme et antisémitisme. Les auteurs juifs dans la Revue Esprit face au nazisme, Emmanuel Levinas et Georges Zérapha », dans L’antijudaïsme à l’épreuve de la théologie et de la philosophie (sous la direction de Danielle Cohen-Levinas et Antoine Guggenheim), Paris, Éditions du Seuil, Collection « Le Genre Humain », 2016, pp. 295-310.

 « Adolphe Franck et le christianisme », dans Adolphe Franck, juif, philosophe, libéral dans la France du XIX. siècle (sous la direction de Jérôme Grondeux et Jean-Pierre Rothschild), Turnhout, Brepols, Collection de la « Bibliothèque de l’École des Hautes Études, Sciences religieuses », 2013, pp.153-172. 

« La question de la transmission dans le judaïsme », dans La transmission religieuse, entre continuité et rupture (sous la direction de Bruno Béthouart et Christine Mengès-Le-Pape), Boulogne, Cahiers du littoral de l’Université du littoral côte d’Opale, 2012, pp.165-178. 

« Les cultes chrétiens, modèles ou repoussoirs du judaïsme émancipé ? », dans Juifs et chrétiens à travers l’histoire : entre conflits et filiations (sous la direction de Pierre-Yves Kirschleger et Bruno Béthouart), Boulogne, Cahiers du littoral de l’Université du littoral côte d’Opale, 2012, p.197-218. 

Compte-rendu

Romantisme, Revue du dix-neuvième siècle, n°152, 2011/2 : compte rendu de l’ouvrage de Nicole Savy, Les Juifs des romantiques. Le discours de la littérature sur les Juifs de Chateaubriand à Hugo, Paris, Belin, 2010

Entretiens et conférences filmés (sélection) 

Plus français que les français. Les « ancêtres juifs » d’Éric Zemmour, avec Steve Jourdin, pour le site Akadem, Paris, novembre 2021 (plus de 200000 vues)

Lien Facebook : https://fb.watch/9bKMjJfC7g/ 

Lien Youtube : https://youtu.be/tDyPq7d7T7g

Lien Akadem : https://akadem.org/magazine/magazine-culturel-2021-2022/les-ancetres-juifs-de-zemmour/45837.php

Napoléon et les juifs. Votre religion est-elle la France ?« , avec Steve Jourdin, pour le site Akadem, Paris, mai 2021 (plus de 250000 vues)

Lien Facebook : https://fb.watch/9bKPuqd-47/

Lien Youtube : https://youtu.be/uzZqHVXOe5Q

Lien Akadem : https://akadem.org/magazine/magazine-culturel-2020-2021/une-suspicion-de-separatisme/45523.php 

Adolphe Franck, spiritualisme, droit des gens et relations entre Églises et État, Collège de France, juin 2021

Lien Collège de France : https://www.college-de-france.fr/site/antoine-compagnon/symposium-2021-06-22-15h40.htm 

Comment le hasard influence l’histoire humaine ?, Congrès Timesworld, Paris, 2021

Lien Youtube : https://youtu.be/6vyc3VELGT8