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Le lundi 30 mai 2016 à 18h30 au CRFJ – de Michaël Gasperoni, post-doctorant, École française de Rome – Il y a tout juste 500 ans, le 29 mars 1516, le Sénat de Venise décréta la claustration de tous les juifs présents dans la ville dans un quartier séparé, appelé « getto » (qui désigne le lieu où se trouvaient autrefois les activités de fonderie), puis « ghetto ». Cette nouvelle manière de « circonscrire, d’enfermer, de ne plus voir » cette minorité dans la ville devint, pour toute l’époque moderne, le modèle de gestion politique, institutionnelle, juridique, administrative, culturelle, religieuse, mais aussi économique et démographique, de la population juive en Italie.

La création du ghetto de Venise doit cependant être analysée et comprise dans son contexte historique particulier : le contexte de la guerre de la Ligue de Cambrai, qui obligea en 1509 des centaines de juifs de Terre Ferme à se réfugier à Venise où la présence juive était historiquement mal acceptée. Mais ce fut le ghetto de Rome, institué en 1555, qui devint le modèle de ghettoïsation que les souverains des autres États étaient progressivement appelés à suivre et à appliquer et fut de ce fait investi d’une forte charge idéologique. Dans la cité et dans l’État du pape, en effet, l’institution du ghetto s’accompagna de la promulgation d’un ensemble complexe de mesures restrictives et coercitives à l’encontre de la population juive. Si la plupart de ces mesures n’étaient pas nouvelles, elles furent cette fois concentrées de manière inédite en un moment unique par l’implacable volonté politique d’un souverain pontife, Paul IV Carafa, et trouvèrent leur expression dans un espace physique et symbolique : le ghetto.

Cette communication se propose de réintégrer l’histoire de la ghettoïsation des populations juives d’Italie à l’époque moderne dans une perspective de longue durée, comparative et multiscalaire, en s’appuyant tant sur l’important renouvellement historiographique dont le champ a bénéficié ces trois dernières décennies que sur une recherche personnelle en cours, effectuée dans le cadre d’un post-doctorat à l’École française de Rome.