Fouilles du site néolithique de Nahal Efe (Israël). À la recherche des derniers chasseurs-cueilleurs-collecteurs des régions arides du Néguev, il y à 10 000 ans.

Lors de la 5ième et 6ième campagne de fouille (mars 2020 et décembre 2021), trois autres habitats (unité 5, 7 et 8) ainsi que certains espaces extérieurs ont été découverts et fouillés. Ces trois unités sous-circulaires à moitié enterrées, avec des murs en pierre et un diamètre maximum de 3,5 à 5 mètres semblent être contiguës les unes aux autres. Malgré les similarités observées entre ces unités, chacune d’entre elles présente des caractéristiques spécifiques et inhabituelles (dans certains cas, uniques).

En effet, le sol de l’unité 5 est recouvert de chaux, en partie peint en rouge. Il s’agit là d’une découverte tout à fait exceptionnelle car c’est la première fois que l’on découvre un sol en plâtre de chaux sur un site préhistorique dans le Negev.

L’un des aspects les plus remarquables sur l’unité 7 est le fait qu’une fois abandonnée, que ses murs se sont effondrés, l’habitat a été utilisé pour enterrer trois individus. La chronologie de l’inhumation est difficile à déterminer étant donné qu’il s’agit d’une structure négative mais en l’absence de datation des ossements, il pourrait s’inscrire dans la principale période du Néolithique précéramique B ou dans une période précéramique ultérieure. Quoi qu’il en soit, cette découverte est exceptionnelle car les pratiques funéraires des chasseurs-cueilleurs du Negev et du Sinaï ne sont guère connues. L’unité 8 est le principal habitat mis à jour (il mesure 5 mètres du Nord au Sud et 4 mètres de l’Est à l’Ouest). Son état de conservation est remarquable, notamment les murs conservés situés à l’Ouest qui s’élèvent parfois à 140 cm sur la pente. Il comporte une petite pièce intérieure au Sud-Ouest, une porte à l’Est surplombant le wadi et un foyer central. Le sol est recouvert de chaux. Il a été trouvé couvert d’une couche organique avec un nombre extrêmement important de bois carbonisés (fragments de branches et de bûches), dû, semblerait-il, à la destruction/combustion de toit organique de maison tombé à terre. La découverte d’un toit d’habitat est plutôt inhabituelle en archéologie ; elle permet en partie d’identifier les techniques et matériaux architectoniques d’habitat alors même qu’il n’y a généralement guère d’éléments pour ce faire. Pour conclure, les résultats de ces deux dernières campagnes ont mis à jour des informations clés pour comprendre l’organisation d’un village du Néolithique précéramique B tout en élargissant l’ensemble des habitats découverts dans la partie supérieure à l’Ouest du site.

La quatrième campagne de fouilles du projet Nahal Efe, dirigée par Ferran Borrell, du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IMF-CSIC) et Jacob Vardi, de l’ Israel Antiquities Authority (IAA) s’est déroulée au mois de mai 2019 dans la zone désertique du Néguev (Israël). L’équipe, constitué d’archéologues espagnols, français et israéliens a mené une nouvelle campagne de fouilles de trois semaines sur le site néolithique de Nahal Efe, un projet archéologique qui a débuté en 2015.

Les premiers objectifs du projet étaient l’étude du processus de diffusion du Néolithique dans les régions semi-désertiques de l’Orient méditerranéen (Néguev, Sinaï et Jordanie) et celles des interactions entre les derniers chasseurs-cueilleurs de ces régions avec les populations voisines, pleinement agricoles durant le Néolithique Précéramique B (PPNB). Un autre objectif était d’étudier les relations sociétés-environnement dans des conditions de forte aridité pour savoir dans quelle mesure les changements des débuts de l’Holocène ont pu avoir un impact sur le développement des premières sociétés agricoles du Levant Sud méditerranéen.

Datant de 10 000 ans, ce site est probablement le principal établissement de son époque pour l’ensemble du Néguev. Son extension est estimée à 2000 m2. L’habitat est celui d’unités semi-circulaires aux murs en pierres de trois à cinq mètres de diamètre. Trois de ces structures ont déjà été fouillées et une douzaine ont été identifiées en prospection, illustrant ainsi un site qui fut un véritable lieu de peuplement. La conservation du site est très favorable, les murs en pierres peuvent être conservés sur une élévation de près d’un mètre.

Les travaux réalisés les années précédentes se sont concentrés sur la reconnaissance de l’extension du site, la confirmation de sa chronologie et sur l’estimation de sa qualité de conservation. La campagne 2019 a eu pour objectif d’établir, au sein du site, le niveau de contemporanéité des différentes structures déjà fouillées, de mieux comprendre l’organisation interne du site et de documenter les techniques de construction architecturales des grandes maisons circulaires en pierre déjà mis au jour. Ceci va permettre d’apporter les premiers éléments de réflexion sur le nombre d’habitants du site et leur mode de mobilité. Durant cette campagne, un “focus” a été mis également sur les données permettant de reconnaitre le mode de subsistance de la communauté vivant à Nahal Efe avec, entre autres, le prélèvement des nombreux restes botaniques (charbons, pollens et phytolithes) qui constitueront des éléments clefs pour la restitution paléo-environnementale du milieu dans lequel s’inscrivait le peuplement. Ces éléments permettront également de comprendre quelles espèces végétales étaient utilisées par les habitants de Nahal Efe, tant pour les combustibles que pour les aliments.

L’ensemble des recherches effectué est essentiel pour l’étude et la contextualisation de la communauté vivant à Nahal Efe au cours de la période du Néolithique Précéramique B moyen. Les résultats obtenus diffèrent significativement du modèle de peuplement traditionnellement admise pour cette région qui postulait que l’occupation du Néguev était faite par de petits groupes nomades de chasseurs-cueilleurs. En fait, les données issues des fouilles du site, montrent un nombre élevé de structures résidentielles (potentiellement contemporaines les unes des autres) et un grand investissement dans la construction des structures d’habitat (murs en pierres et sols en plâtre !). Ceci nous portent à considérer Nahal Efe comme un établissement de chasseurs-cueilleurs relativement important et occupé selon un mode de vie qui semble sédentaire. A cela s’ajoute d’autres indices, de signification toutefois moins importantes, tels que la présence de lames de faucilles au lustre caractéristique de la coupe de céréales (au nombre de quatre jusqu’ici) ainsi qu’un nombre non négligeable d’outils de moutures.

Le projet Nahal Efe est actuellement le seul projet de recherche archéologique soutenu par l’Espagne en Israël. Son financement vient de la Fundación Palarq, du Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades, du CSIC, de l’Israel Science Foundation, de la Levi-Sala CARE Foundation et du Centre de Recherche Français à Jérusalem (CNRS-CRFJ).

Article rédigé par le Dr. Ferran Borrell, directeur du projet, chercheur du CSIC- Intitución Milà i Fontanals, et chercheur associé du CRFJ.