Fouilles du site néolithique de Nahal Efe (Israël). À la recherche des derniers chasseurs-cueilleurs-collecteurs des régions arides du Néguev, il y à 10 000 ans.

Datant de 10 000 ans, le site de Nahal Efe est probablement le principal établissement de son époque pour l’ensemble du Néguev. Son extension est estimée à 2000 m2. L’habitat est constitué d’unités semi-circulaires aux murs en pierres de trois à cinq mètres de diamètre. Trois de ces structures ont déjà été fouillées et une douzaine ont été identifiées en prospection, illustrant ainsi un site qui fut un véritable lieu de peuplement. La conservation du site est très favorable, les murs en pierres peuvent être conservés sur une élévation de près d’un mètre. Les fouilles ont débuté en 2015 sous la direction de Ferran Borrell, du Consejo Superior de Investigaciones Científicas (IMF-CSIC) et Jacob Vardi, de l’Israel Antiquities Authority (IAA). L’équipe est constituée d’archéologues espagnols, français et israéliens.

Les principaux objectifs du projet sont l’étude du processus de diffusion du Néolithique dans les régions semi-désertiques de l’Orient méditerranéen (Néguev, Sinaï et Jordanie) et celle des interactions entre les derniers chasseurs-cueilleurs de ces régions et les populations voisines, pleinement agricoles durant le Néolithique Précéramique B (PPNB). Un autre objectif est d’étudier les relations entre les sociétés et leur environnement dans des conditions de forte aridité, afin de comprendre dans quelle mesure les changements des débuts de l’Holocène ont pu avoir un impact sur le développement des premières sociétés agricoles du Levant Sud méditerranéen.

Les travaux archéologiques réalisés durant les premières années du programme se sont concentrés sur la reconnaissance de l’extension du site, la confirmation de sa chronologie et l’estimation de sa qualité de conservation. La campagne 2019 a eu pour objectif d’établir, au sein du site, le niveau de contemporanéité des différentes structures déjà fouillées, de mieux comprendre l’organisation interne du site et de documenter les techniques de construction architecturales des grandes maisons circulaires en pierre déjà mises au jour. Durant cette même campagne, la focale a également été mise sur les données permettant de reconnaitre le mode de subsistance de la communauté vivant à Nahal Efe avec, entre autres, le prélèvement de nombreux restes botaniques (charbons, pollens et phytolithes) qui constituent des éléments clefs pour la restitution paléo-environnementale du milieu dans lequel s’inscrivait le peuplement. Lors des 5e et 6e campagnes de fouille (mars 2020 et décembre 2021), trois autres habitats (unité 5, 7 et 8) ainsi que certains espaces extérieurs ont été découverts et fouillés. Ces trois unités sub-circulaires à moitié enterrées, avec des murs en pierre et un diamètre maximum de 3,5 à 5 mètres, semblent être contiguës les unes aux autres. Malgré les similitudes observées entre ces unités, chacune d’entre elles présente des caractéristiques spécifiques et inhabituelles (dans certains cas, uniques). Le sol de l’unité 5 a été découvert recouvert de chaux, en partie peint en rouge. Il s’agit là d’une découverte tout à fait exceptionnelle car c’est la première fois que l’on découvre un sol en plâtre de chaux sur un site préhistorique dans le Negev.

L’un des aspects les plus remarquables sur l’unité 7 est le fait qu’une fois abandonnée et ses murs effondrés, l’habitat a été utilisé pour enterrer trois individus. La chronologie de l’inhumation est difficile à déterminer, étant donné qu’il s’agit d’une structure négative, mais en l’absence de datation des ossements, il pourrait s’inscrire dans la principale période du Néolithique précéramique B ou dans une période précéramique ultérieure. Quoi qu’il en soit, cette découverte est exceptionnelle car les pratiques funéraires des chasseurs-cueilleurs du Negev et du Sinaï ne sont guère connues. L’unité 8 est le principal habitat mis à jour (il mesure 5 x 4 mètres. Son état de conservation est remarquable, notamment les murs situés à l’Ouest qui s’élèvent parfois à 140 cm dans la pente. Elle comporte une petite pièce intérieure au Sud-Ouest, une porte à l’Est surplombant le wadi et un foyer central. Le sol est recouvert de chaux. Il a été trouvé couvert d’une couche organique avec un nombre extrêmement important de bois carbonisés (fragments de branches et de bûches), dû, semblerait-il, à la destruction/combustion de toit organique de la maison tombé à terre. La découverte d’un toit d’habitat est plutôt inhabituelle en archéologie ; elle permet en partie d’identifier les techniques et matériaux architectoniques de l’habitat alors même qu’il n’y a généralement guère d’éléments pour ce faire.

Les résultats des fouilles de Nahal Efe ont donc mis au jour des informations clés pour comprendre l’organisation d’un village du Néolithique précéramique B. Les recherches effectuées sont essentielles pour l’étude et la contextualisation de la communauté vivant à Nahal Efe au cours de la période du Néolithique Précéramique B moyen. Les résultats obtenus diffèrent significativement du modèle de peuplement traditionnellement admis pour cette région, modèle qui postulait que l’occupation du Néguev était le fait de petits groupes nomades de chasseurs-cueilleurs. En réalité, les données issues des fouilles de Nahal Efe montrent un nombre élevé de structures résidentielles (potentiellement contemporaines les unes des autres) et un grand investissement dans la construction des structures d’habitat. Ceci nous porte à considérer Nahal Efe comme un établissement de chasseurs-cueilleurs relativement important et occupé selon un mode de vie qui paraît sédentaire. À cela s’ajoute d’autres indices tels que la présence de lames de faucilles (au nombre de quatre jusqu’ici) au lustre caractéristique de la coupe de céréales ainsi qu’un nombre non négligeable d’outils de mouture.

Le projet Nahal Efe est actuellement le seul projet de recherche archéologique soutenu par l’Espagne en Israël. Son financement vient de la Fundación Palarq, du Ministerio de Ciencia, Innovación y Universidades, du CSIC, de l’Israel Science Foundation, de la Levi-Sala CARE Foundation et du Centre de Recherche Français à Jérusalem (CNRS-CRFJ). Le Dr. Ferran Borrell, directeur du projet, est chercheur du CSIC- Intitución Milà i Fontanals, et chercheur associé au CRFJ.